La loge Fidélité



La plus ancienne loge encore en activité cultive toujours sa discrétion en plein Wazemmes, rue de Lens. Son nom? La Fidélité, créée en 1869. Photos Pierre Le Masson




Petite promenade ésotérique aux origines de la franc-maçonnerie lilloise

Un article paru dans La Voix du Nord le samedi 13 janvier 2018 sous la plume de Frédérick Lecluyse

Il faut remonter en 1744 pour trouver trace dans les textes anciens de la première loge à Lille : la loge   de Saint-Jean. Cela étant, la plus ancienne loge encore en activité cultive toujours sa discrétion en plein Wazemmes, rue de Lens. Son nom ? La Fidélité, créée en 1869 par des frères de la Grande Loge de France (GLF). 

La création de La Fidélité précède, en effet, de quelques années sa sœur du Grand Orient, La Lumière du Nord fondée en 1893 par Charles Debièrre. Si le temple de la seconde, œuvre d’Albert Baert, est un monument qui exalte ostensiblement les symboles de la franc-maçonnerie, son homologue de la GLF est beaucoup plus discret. Au cœur de Wazemmes, on a peine à imaginer que siège ici la plus ancienne loge de la région. Elle a été fondée par un médecin militaire, Gustave Desmons. Celui-ci fut aussi grand maître de la Grande Loge de France durant l’année 1918-1919.

Ces symboles,  bien que discrets,  ne laissent cependant aucun doute sur ceux  qui fréquentent le temple depuis près de 150 ans.

Bâti par l’architecte François Roussel, le temple de la rue de Lens garantit à la mère de toutes les loges du Nord - Pas-de-Calais son anonymat Il faut, en effet, presque être initié pour remarquer les colonnes dessinées par Roussel. Elles sont pourtant un élément essentiel du symbolisme maçonnique : entre monde d’en haut et monde d’en bas ; entre ténèbres et lumière. Il faut également être avisé pour noter la forme des grilles des soupiraux qui arborent un soleil levant ou les boiseries triangulaires qui ornent la porte d’entrée ; laquelle mériterait bien, soit dit en passant, un coup de peinture…

On pourra comparer ces motifs du soleil levant à ceux glissés par Albert Baert dans les demi-rosaces de la Piscine de Roubaix.

Rue de Lens, ces symboles, bien que discrets, ne laissent cependant aucun doute sur ceux qui fréquentent le temple depuis près de 150 ans.

Des cabinets destinés à l'initiation des profanes

Selon la chronique, le visiteur qui y pénètre est accueilli par le buste de Roger Salengro. L’ancien maire de Lille et ancien ministre de l’Intérieur du Front populaire de Léon Blum fut l’un de ses représentants les plus illustres.

À l’étage, une salle de réunion porte, elle, le nom de Gustave Desmons. Mais le plus impressionnant, selon nos informations, ce sont les cabinets aménagés dans la cave. Destinés à l’initiation des profanes, ils seraient humides et assez lugubres. Les murs, en effet, seraient peints en noir, ce qui renforcerait l’exiguïté claustrophobique des lieux. C’est pourtant ici que le futur initié passera plusieurs heures à rédiger son testament philosophique. Il aurait pour seul compagnon un crâne et cette inscription : « Si la curiosité t’a conduit ici, va-t’en ! Si ton âme a senti l’effroi, ne va pas plus loin . »

Selon un frère de La Fidélité, loge nº256, on n’oublie jamais une initiation au 24, rue de Lens.

Culturons-nous

Le Mondial, l’ancien cinéma de Wazemmes qui en a mis plein les yeux à Lille

Article paru dans dans « Culturons-nous », Flashback, Vozer.fr (du groupe la Voix du Nord) Lille le 9 janvier 2022 par Justine Pluchard. Voir l'article en ligne.



Le Mondial à Wazemmes et sa restauration @Philippe Pauchet / Voix du Nord

 

Au cours du XXe siècle, Wazemmes a compté jusqu’à six cinémas. Le plus beau et le plus connu de tous, c’était le Mondial avec sa salle à l’italienne de plus de 1000 places. On peut d’ailleurs encore admirer sa belle façade de la rue Racine quand on sort de la station de métro Wazemmes. On vous raconte cette folle histoire entre le quartier et ce haut lieu lillois du 7e art.

 

Derrière le Mondial, on retrouve surtout deux hommes : Gustave Duthoit et Gabriel Pagnerre. Le premier est un bistrotier de la rue des Postes qui a pris pour habitude d’organiser des projections de cinéma muet dans l’arrière-salle de son troquet. On est au début des années 1900 et le cinéma n’en est qu’à ses débuts : il est majoritairement encore itinérant et, à Lille, ce sont des forains qui viennent le plus souvent avec du matos dans des bars, des théâtres ou encore des hippodromes (mais ça c’est une autre histoire qu’on vous racontera plus tard).

 

Chez Duthoit, on se bouscule pas mal pour rejoindre la fameuse arrière-salle. Si bien qu’en 1909, le cafetier décide d’investir pour ouvrir un lieu spécifiquement conçu pour le cinéma, chose assez inédite pour l’époque. On ne sait pas trop comment il finance tout ça. En revanche, on sait que c’est au jeune architecte Gabriel Pagnerre qu’il confie cet ambitieux projet.



Gabriel Pagnerre @repro Voix du Nord

 

Si ce dernier a aujourd’hui des centaines de belles façades art nouveau à son actif dans la métropole lilloise, ce projet de cinéma est l’une de ses premières grandes réalisations. Et l’architecte ne va pas faire les choses à moitié avec le Mondial, que ce soit à l’intérieur comme à l’extérieur.

 

Art nouveau et septième art

 

Imaginez… Vous êtes dans les années 1910, c’est dimanche et vous avez envie de vous faire une toile. Hop, vous partez vers la place verte (ancien nom du square Ghesquière) et là, rue Racine, vous faites face à une jolie façade avec des vitraux, incrustée de décorations florales, de détails géométriques et autres motifs caractéristiques de l’art nouveau.



Illustration de Patrick Coeugniet @Association Eugénies

 

A l’intérieur, il y a un hall d’accueil, vous y prenez votre billet pour quelques francs avant d’entrer dans une vaste salle de cinéma d’un raffinement rarement égalé à Lille. Pagnerre a conçu une salle dite “à l’italienne” avec un parterre de bancs (vite remplacés par des sièges individuels) mais aussi des loges aux étages. Autant vous dire que dans le quartier populaire de Wazemmes, on n’est pas peu fier de cet endroit : en plus d’être majestueux, c’est à l’époque le plus grand cinéma de Lille avec 1200 places et c’est aussi l’un des premiers de la région.



@Association Eugénies

 

Le Mondial doit fermer ses portes pendant la Première Guerre mondiale mais la foule est au rendez-vous dès sa réouverture en 1919. Au point où certains disent que les Duthoit ont dû faire barrage eux-mêmes “pour contenir la marée humaine qui se pressait à l’entrée !”

 

Mouchoirs publicitaires

 

Les années 20 sont prolifiques pour le cinéma : c’est devenu un vrai loisir et un lieu de rassemblement local. Au Mondial, c’est à cette même période qu’on aurait ajouté un café pour la vente de boissons et on peut aussi se délecter pendant la séance de sucettes au chocolat Chupeta. Il n’est pas rare non plus de voir des distributions de mouchoirs publicitaires lors de la projection de films “sentimentaux”. Autre spécificité du Mondial : il n’a pas une mais deux programmations par semaine. De quoi faire rougir les autres cinés du quartier et de la ville.



La salle dans les années 60. @Association Eugénies


L’avènement du cinéma parlant dans les années 30 n’a clairement pas fait désemplir la salle wazemmoise. C’est à la même époque que Gustave Duthoit, le fondateur emblématique, quitte la scène du Mondial. Le cinéma continue sa belle aventure jusqu’ à la fin des années 60. Il y a peu de détails sur les raisons de sa fermeture en 1972.

 

Spin-off

 

Depuis, le cinéma mythique du quartier a connu de multiples transformations : bazar, mairie de quartier, bureau de poste… Mais depuis 2004, le bâtiment peu à peu oublié et reste vide. Il faudra attendre 2016 et un appel à projets de la mairie de Lille, propriétaire des lieux désormais, pour que cette petite pépite architecturale puisse espérer accueillir à nouveau du monde et entendre des rires à l’avenir.



Ce ne seront pas les rires de spectateurs et spectatrices : il ne reste en réalité rien de l’ancienne salle de projection. Mais trois médecins lillois ont pour projet d’y ouvrir une crèche associative et intergénérationnelle. De gros travaux ont été entrepris et sont d’ailleurs toujours en cours. Mais ils ont bien pris soin de conserver la belle façade art nouveau du site et la plaque au nom de l’architecte Gabriel Pagnerre est à nouveau visible. Pour que personne n’oublie dans le générique que le Mondial en a mis plein les yeux au quartier de Wazemmes pendant des décennies.



Pour écrire cet article, on s’est basé sur plusieurs sources :

 

Le travail gigantesque et précis de l’association Eugénies qui a réalisé une brochure entière sur le lieu et son architecte dispo en ligne


L’article de La Voix du Nord “ Quand Wazemmes faisait son cinéma ” de 2014


L’article de La Voix du Nord “ Tombé dans l’oubli, le cinéma Le Mondial en pleine métamorphose ” de 2021

Un circuit à La Madeleine en 2024

Pour célébrer les 150 ans de la naissance de Gabriel Pagnerre, un circuit découverte de ses constructions à La Madeleine aura lieu à le samedi 12 octobre 2024 de 10h à 12h, dans le berceau familial.

Voir ce circuit ici


Ce circuit sera guidé par Jacques Desbarbieux, il est réservé exclusivement, pour des questions d'assurance, aux adhérents des associations des Amis de la Villa Cavrois et du Haut de Mons.