Le cinéma Le Mondial

Merci à Monsieur Olivier Joos qui nous permets de reproduire la page de son site consacré au cinéma Le Mondial construit par Gabriel Pagnerre.


Situé au 90 rue Racine dans le quartier populaire de Wazemmes, le Mondial a été l'une des plus belles salles de la région. L'architecture tant intérieure qu'extérieure est originale et la façade a (pour l'instant) été conservé. C'est un véritable lieu de mémoire pour les habitants du quartier et il est étonnant que pour l'instant, le bâtiment n'est pas revenu à sa fonction originelle, proposer du cinéma dans un quartier où il ne souffrira d'aucune concurrence. 


Il est à signaler que ce cinéma est l'un des premiers construits pour faire strictement du cinéma dans la région. En effet, à la Belle Epoque, les cinémas fixes sont uniquement des créations antérieures à l'arrivée des images animées. Il s'agit d'un théâtre transformé (comme à Lens) ou de l'utilisation d'un cirque en dur, d'un bâtiment qui, à l'origine, n'était pas prévu pour faire cinéma. 


Pour le Mondial, c'est différent, et c'est en cela qu'il est aussi originale. Il est construit pour le cinéma, à une époque où on ne construit pas, ou très peu en ce qui concerne la région Nord-Pas-de-Calais, pour recevoir des spectacles de cinéma. Lors de sa construction, il est même l'un des plus vastes de Lille. Les rangées de bancs disparaitront par la suite remplacées par des fauteuils individuels à claquette. Dans les années 20, il semble qu'il est divisé en deux salles : un cinéma et un café pour la vente de boissons, qu'avait certainement oublié l'architecte lors de sa création. Celui-ci, Gabriel Pagnerre, est un des rares architectes de cinéma de cette époque que nous connaissons. Malheureusement pour notre sujet d'étude, le Mondial est son seul cinéma. Il est intéressant de noter également que le Mondial a été une exception dans le paysage de l'exploitation cinématographique sur Lille, voir même dans le reste de la région car il proposait deux programmes par semaine : l'un du mardi au jeudi, et le second du vendredi au lundi, attirant par cela deux fois plus de clientèle alors que d'ordinaire, les programmes ne restent à l'affiche qu'une semaine, changeant surtout le vendredi, les films passant ainsi des salles d'exclusivité au salles de quartier puis aux salles rurales, usant les copies... Comme toutes les salles de quartier, le Mondial est un pôle de la vie locale, un lieu où l'on se retrouve. Ancienne habitante, Janine Vanquatem se souvient : « Je suis allée, chaque dimanche, avec mes parents, durant des années au cinéma Mondial place Virginie Ghesquières, que l'on appelait à l'époque Place Verte dans le quartier de Wazemmes à Lille. Nous y avions toujours les mêmes places, puisque c'était un abonnement, j'ai vu des tas de films, le meilleur moment aussi, il ne faut pas l'oublier, c'était le moment de l'entracte, où l'on vendait des "petites souris en chocolat", des "Chupéta glacés au chocolat"


Voici un bel extrait issu des pages de l'excellent ouvrage indispensable de Jean-Jacques Meusy consacré aux cinémas de la Belle Epoque. l'historien consacre donc un paragraphe au Mondial dans lequel il décrit notamment la salle à l'aide d'une carte postale reproduite ci-contre.


« Le Mondial Cinéma se trouvait à Lille-Wazemmes, au 90 de la rue Racine. Wazemmes est un ancien village situé à un kilomètre du centre de Lille (217807 habitants en 1911) qui fut rattaché à cette ville sous le Second Empire. C'était un quartier populaire, ouvrier même, avec ses brasseries et ses filatures. Le raffinement du Mondial, dû à un talentueux architecte local, Gabriel Pagnerre, n'est est que plus surprenant. La salle était vaste (1020 places) et conçue comme un music-hall avec ses promenoirs. Le parterre, apparemment dépourvu de déclivité, n'était pas très favorable à une vision aisée de l'écran, quoique celui-ci ait été placé légèrement en hauteur. Les fauteuils du balcon faisaient face à la scène, mais il n'en était pas de même pour les loges. Reconnaissons que, malgrè l'absence de symétrie à droite, le galbe des balustrades, formant des vagues successives, était d'un fort bel effet. A droite de la scène, un grand meuble de bois semble être un orchestrion. De chaque côté de la scène étaient peintes avec talent et dans un style très dépouillée de jeunes danseuses. Au-dessus de l'écran, les lettres entrelacées « MC » n'étaient autres que les initiales de l'établissement. Couronnant le cadre de scène, masques et flûte de pan en bas-relief évoquaient plutôt la tradition théâtrale que le cinéma. Au-dessus encore, peint sur l'arrondi de la voûte, un homme dans un canot pagayait sur des flots houleux où l'inscription « Mondial cinéma » épousait le mouvement des vagues. Au bord du rivage, deux femmes paraissaient jouer de la musique... Même si elle tenait peu compte des contraintes propres au cinéma, la conception esthétique générale de la salle semblait marquée par les idées modernistes que professait Gabriel Pagnerre. Ce dernier construisit au cours de sa carrière de très nombreuses maisons particulières aux élégantes façades influencées surtout par l'Art nouveau, mais aussi par les styles anglo-normands et flamands, ou la brique traditionnelle de la région était agrémentée de céramiques et de briques vernissées. Le Mondial Cinéma fut créé en 1909 par Gustave Duthoit, un cafetier de la rue des Postes ainsi que l'atteste l'annuaire local Ravet-Anceau. Selon sa nièce, Gustave Duthoit avait fait des projections cinématographiques dans l'arrière-salle de son estaminet et leur succès l'avait déterminé à construire un cinéma en plein cœur de Wazemmes. On ignore toutefois comment il put réunir les fonds nécessaires à la construction d'un pareil établissement ; ses parents, il est vrai, avaient tenu une sorte de bazar-épicerie, rue des Postes également, où l'on trouvait de tout ou presque. Gustave Duthoit quitta le Mondial Cinéma dans les années trente et l'établissement fonctionna jusqu'à la fin des années soixante. Il fut transformé ensuite en mairie de quartier, puis en bureau de poste et acheté par la municipalité qui envisage d'y installer un commissariat de police (2007). De la salle, il ne reste rien, mais la façade a été conservée. »
Jean-Jacques Meusy, « Cinémas de France 1914 – 1918 », Arcadia éditions.