Un chais de l'architecte Gabriel Pagnerre pour un marchand de vin à Mons-en-Barœul

Un négoce de vins, 2 rue Franklin


Ces 4 vues montrent l'évolution de la double construction conçue par Gabriel Pagnerre à l'entrée de la rue Franklin à Mons-en-Barœul.


Rue Franklin, un commerce des années 1930  


Un article d'Alain Cadet dans la Voix du Nord le dimanche 1er août 2021

 

Ce commerce a abrité successivement un marchand de vin, une fabrique de meubles, un cabinet d’architectes. 


Retour sur presque un siècle d’existence.

 

Avant la Seconde Guerre mondiale, cette ménagère qui est allée faire ses courses rue Daubresse-Mauviez, rentre chez elle, rue Franklin en longeant la fabrique de meubles Robert Mouret. C’est une bien curieuse bâtisse pour une menuiserie. Sur les trois fenêtres en demi-lunes, une seule possède des vitres tandis que les deux autres sont aveugles. Pas très facile d’y voir clair pour le menuisier Robert Mouret. La raison ? C’est que cet immeuble n’a pas été conçu pour cette fonction mais pour y pratiquer la conservation et le commerce de vin.

 

Pour ce produit fragile, on se doit de limiter la lumière afin qu’elle ne dénature pas les grands crus ! 

 

L’architecte, Gabriel Pagnerre, avait bien intégré dans ses plans de l’immeuble, cette contrainte vinicole. Bien sûr l’endroit avait quelques défauts pour y pratiquer la menuiserie, mais, Robert Mouret avait fini par s’en accommoder…

 

Des canapés aux dessins d'immeubles en gardant la même inscription

 

Après la guerre, l’un des employés de la menuiserie, Charly Wilson, épouse Jeannette, la fille de Robert. Bientôt, il devient le nouveau patron. Il décide de tout changer. Exit les fenêtres en demi-lune ! Elles vont être remplacées par de grandes ouvertures rectangulaires pour l’atelier et même une grande vitrine pour le magasin d’exposition. Lorsque Charly prend sa retraite, il cède l’atelier à un commerçant qui vendait des canapés et bien d’autres choses. Lui-même l’a revendu à son propriétaire actuel, le cabinet d’architecture BLAU.

 

Les architectes ont décidé de garder l’antique inscription « Fabrique de Meubles » alors qu’en réalité ils réalisent surtout des dessins d’immeubles. Ils viennent de repeindre la façade en blanc avec l’inscription d’avant-guerre, au sommet du mur, en bleu ! A. C. (CLP)


Merci à Alain Cadet qui a mené cette belle enquête. Il a notamment permis à cette photographie (© AC/CW/Eugénies) de refaire surface. On y voit les trois arcades de cette bâtisse due à l'architecte Gabriel Pagnerre construite pour les chais du Vert Galant. Deux des trois fenêtres étaient aveugles. 

Ci-dessous l'article paru dans La Voix du Nord le 4 octobre 2013, et les commentaires personnels d'Alain Cadet.




À l'origine la construction de ce bâtiment a été demandée par un marchand de vin. Il était complètement fermé avec juste une petite fenêtre parmi les 3 ouvertures en arcade. Les  chais du marchand se trouvaient là.  La lumière n'est pas bonne pour la conservation du vin.

Pendant la guerre, le bâtiment a été occupé par les Allemands. À la libération un atelier de métallurgie, les établissements Quesnet,  dont les locaux avaient été détruits par les bombardements de Fives est venu s'y installer. 


En 1950, Robert Mouret, un ébéniste fabricant de meubles, rachète le local. C'est à peu près de cette époque que doit dater la photo. Charles Wilson (dit Charlie, le fils d'Alexander Wilson : un sous-officier écossais qui servira pendant la première guerre mondiale et entrera dans la résistance pendant la seconde) fait la connaissance de la fille de Monsieur Mouret, dans un bal, à Mons. Il vient tout juste de quitter l'armée. 


En 41, diplômé de mécanique, il travaille dans un garage de Lille. Il s'engage dans la résistance et à la libération il rejoint l'armée  où il sera chauffeur puis mécanicien. Robert Mouret lui demande de réparer un vieux camion puis différentes machines en panne dans l'atelier. Il apprend le métier sur le tas et épouse la fille du patron. Doué pour le travail manuel il devient assez vite un très bon ébéniste, réputé dans la région. En 1964 il prend la succession de son beau-père et prendra sa retraite qu'en 1986. En 1968, un incendie ravage l'atelier. Charlie en profite pour abattre quelques murs, fait modifier la façade et crée un magasin (il se trouvait auparavant rue Mirabeau). Quand il était en activité, l'ébéniste occupait la partie supérieure de la petite maison Pagnerre qui se trouve sur le côté du bâtiment et louait le rez-de-chaussée à Jean-Marie Leblanc qui devait devenir le directeur du Tour de France.


La flèche rouge sur la vue ci-dessous indique l'emplacement de la plaque de l'architecte. La maison située à côté du négoce de vins a été également bâtie par Gabriel Pagnerre.




Depuis la plaque de l'architecte a été nettoyée et débarrassée de sa belle couche de peinture blanche.





Le bâtiment situé à côté de l'habitation à l'entrée de la rue Franklin à Mons-en-Barœul vient d'être racheté par un architecte. 

 

Une véritable chance pour cette construction de Gabriel Pagnerre, car les travaux en cours ont permis de retrouver la façade d'origine de la partie droite qui correspond à l'atelier. On savait que Charles Wilson, ouvrier de Mr Mouret, précédent propriétaire, y avait installé sa fabrique de meubles avant que la famille Voet-Ossart ne l'utilise dans une activité assez proche. C'est Charles Wilson qui a modifié la façade, nous sommes entré en contact avec lui, dans le midi, en espérant retrouver des photos d'avant la transformation.

 

Mons-en-Barœul possède donc une maison atelier conçue par Gabriel Pagnerre. C'est de plus la seule encore debout que nous connaissions, car l'autre maison atelier qui était à la limite de Lille et Mons a été détruite lors du percement de la voie rapide urbaine.

 

Cette réalisation, dont le nouveau propriétaire va enfin découvrir la plaque de l'architecte, constitue un élément essentiel de l'œuvre de Gabriel Pagnerre en dehors des habitations avec le Dispensaire d'Halluin (détruit), les Bains publics de Villeneuve d'Ascq, la Tannerie de la Madeleine, les deux écoles (Colbras à Halluin détruite et St Pol sur Mer), les deux cinémas de Lille-Wazemmes et Croix et la Maison du Peuple d'Halluin.

 

La maison sise au n°2 a été longtemps la propriété de la famille Poinsot-Beauguitte qui l'a même loué pendant trois ans à Jean-Marie Leblanc, qui fut directeur du Tour de France. Les souvenirs sont souvent évoqués des nombreuses voitures de course cycliste qui stationnaient à cet endroit.




La façade de la partie atelier comportait 3 arcades. Ce fut longtemps les entrepôts de Charles Wilson jusqu'à un incendie dans les années 60. A la suite de ce sinistre ces locaux furent loués pendant 8 ans successivement à La Maison du Surgelé puis à Frio, avant d'être rachetée par la famille Voet-Ossart.


Un étonnant retour aux origines !


Par un hasard étonnant, on vendange à côté de ce chais construit par Gabriel Pagnerre pour un négociant en vins ! Un article d'Alain Cadet paru dans la Voix du Nord le vendredi 6 octobre 2023.