Quand le bâtiment va, tout va !

Nous reprenons cette phrase de Gabriel Pagnerre : " Quand le bâtiment va, tout va !" En tout cas cela va bien pour les promoteurs.

La belle série des maisons de Gabriel Pagnerre située Place Foch à Villeneuve d'Ascq, en face de l'église du Sacré-Cœur, devrait être complétée par un immeuble collectif. 


La réalisation du groupe d'architecture Juxta prendra la place d'une maison individuelle qui va être détruite pour la construction de cet ensemble de logements collectifs.



La maison qui va être détruite pour laisser place à cet immeuble collectif


La situation avant la destruction de la maison particulière


Le permis de construire

Ce qui est plus étonnant dans ce projet c'est que la maison qui va être détruite porte bien la marque de Gabriel Pagnerre, comme l'attestent les plans qui datent des 1er et 4 mars 1926. Ceux-ci sont approuvés par le futur propriétaire le 12 mars, comme l'indique le tampon de l'architecte qui avait quitté le Vert Cottage de Mons-en-Barœul en 1922, pour installer son cabinet au 4 bis place de la République à Lille à cette époque. 

La construction a été réalisée pour Monsieur Fred Huber sur un terrain situé contour de l'église de Flers-le-Sart. Agrandie par la suite, cette maison a connu plusieurs propriétaires dont le Consul de Suisse et un médecin, le Docteur Dérumaux. 

C'est donc une disparition de plus d'un témoignage de l'architecture d'entre deux guerres, certes Gabriel Pagnerre en a fait tant d'autres, des centaines de constructions allant du littoral jusqu'à la métropole de Lille-Roubaix-Tourcoing, mais on grignote, on grignote. 

Quand on vous dit que le bâtiment va bien, les promoteurs transforment les briques en d'autres sur des comptes bancaires !


La lecture des plans, réalisés à l'échelle de 0,02 pour mille, apportent des précisions sur la construction qui est réalisée en briques de Wahagnies ou Bonzel. La façade est revêtue d'un crépi hydrofin de couleur crème teinté dans la masse. La toiture est en tuiles mécaniques. Les 2 cheminées sont maintenues par des fers ronds de diamètre 20. Les bacs à fleurs sont en béton armé (B.A.) cimentés. Le soubassement est en imitation grasserie (grosse pierre).

La cave possède un pavement en briques à plat à forme cendre. Le rez-de-chaussée comporte une grande pièce traversante qui tient lieu de salon / salle à manger avec un parquet en sapin et une cuisine avec des carreaux en ciment comprimé. Au premier étage il y a 4 chambres et étonnamment pas de salle de bains ou de pièce d'eau !


La façade principale, mesurée aux extrémités des 2 pentes de toit (avec les rebords de 0,85), fait 15,50 mètres


Montage montrant l'extension réalisée en avancée avec un décaissement pour le double garage, la création d'une nouvelle entrée pour la maison en inclusion dans la construction conçue initialement par Gabriel Pagnerre. L'agrandissement a été réalisé en respectant la création originelle, comme on peut le constater au niveau des formes des pentes de toit ou de la conception des fenêtres. Il faut remarquer des ajouts en correspondance avec le style de l'architecte comme le bow-window. 


Plan du rez-de-chaussée

Le porche donne sur un hall, pavé de carreaux en grès artificiel granité pleine masse,  qui distribue des accès vers les toilettes, la salle à manger, la cuisine et les escaliers qui mènent à l'étage unique et au sous-sol.

Bizarrement la communication de la cuisine se fait vers le salon et non directement dans la salle à manger. De même l'accès depuis le hall mène dans la salle à manger plutôt que directement dans le salon. En fait cette grande pièce transperçante, avec un parquet en sapin 4/4 lames de 0,10, réalise un ensemble salon / salle à manger facile à moduler.


Plan du 1er étage

La maison comporte deux étages. Au premier se situe 4 chambres qui s'ouvrent toutes sur un petit palier. Les planchers sont en sapin, comme pour la grande pièce du bas, avec toutefois une légère différence puisqu'il est indiqué 3/4 x 0,10.


Plan du sous-sol

Au sous-sol on découvre 3 caves. La plus grande correspond à l'espace salon / salle à manger du rez-de-chaussée. Au sol est noté l'existence d'un revêtement fait d'un pavement de briques à plat sous forme cendre de 0,03. Une fosse septique de la maison Devrez prévue pour 7 personnes se situe juste sous les W.C.


Façade latérale gauche

On remarque les 2 soupiraux dans le soubassement en ciment imitation grasserie. La toiture est supportée par des corbeaux en sapin 7/15, tandis que la couverture est réalisée en tuiles mécaniques 1er choix. Sur la cheminée figure une ancre en fer forgé aux initiales entrelacées F H du commanditaire.


La façade latérale droite

Cette partie des plans de l'habitation de Monsieur Fred Huber sont datés du 4 mars 1926. La maison ne comprend aucune mitoyenneté, avec des ouvertures sur toutes ses faces. On retrouve l'ancre en fer forgé aux initiales FH du propriétaire sur la seconde cheminée.


La façade arrière (postérieure)

Cette partie des plans de l'habitation de Monsieur Fred Huber sont datés du 4 mars 1926.


Coupe transversale

Sur cette partie du plan qui est également daté du 4 mars 1926, on découvre un escalier menant à un second étage qui est mansardé, sans ouvertures vers l'extérieur.  

Voir d'autres œuvres détruites de Gabriel Pagnerre

Heureusement peu de réalisations de Gabriel Pagnerre ont été victimes de destruction ou de modifications inappropriées. 

C'est surtout la ville d'Halluin qui malgré nos interventions n'a pas tenu compte de la richesse de son patrimoine, pour le remplacer par des constructions qui sont loin d'égaler ce qui a définitivement disparu. D'autant plus étonnant pour l'école dite du Colbras, soit disant plus aux normes, alors que sa sœur jumelle à St Pol sur Mer n'a pas connu les mêmes mésaventures. Comme on dit : " Quand on veut se débarrasser de son chien, il a bien entendu la rage ! "

A Mons-en-Barœul, c'est malheureusement le mauvais emplacement d'une maison atelier sur le trajet d'une voie rapide qui a eu raison de ce rare exemple d'une construction mixte privée et commerciale. La liaison ne pouvait être créée au dessus de la voie ferrée, en raison du coût exorbitant de ce projet de substitution.

Il y a heureusement des contre exemples avec la sauvegarde de la superbe façade du cinéma Le Mondial grâce à des initiatives privées qu'il faut saluer alors que la municipalité lilloise s'en était complètement désintéressée. De même la maison isotherme dite aussi villas jumelées a survécu entre deux ouvrages autoroutiers qui surplombent le Grand Boulevard !

Beaucoup de propriétaires privés ont compris l'importance de ces belles demeures, comme pour le Vert Cottage, ou la seule maison connue à Tourcoing. Et tant d'autres.