Un article paru dans la Voix du Nord du samedi 9 août 2025.
Les salles de cinéma ont, dès la fin du XIXe siècle, souvent été le premier lieu de culture de masse. Cet été, retour sur certains de ces temples disparus à Lille. En 1909, à Wazemmes, Le Mondial sort de terre. Avec ses 1 200 places, c’est le plus grand cinéma de la ville.
La salle à l'italienne de 1 200 places
Nous sommes en 1919. Lille sort de la Première Guerre mondiale et de sa première occupation allemande. Square Henri-Ghesquière, à Wazemmes, les Duthoit se demandent s’ils ne vont pas solliciter la troupe. Fermé pendant les hostilités, leur cinéma, Le Mondial, est pris d’assaut le jour de la reprise. Il faut contenir cette marée humaine avide de divertissements. C’est que le lieu donne envie. Quelques années plus tôt, Gustave Duthoit dirige un estaminet rue des Postes. Il y propose des séances de cinématographe. Devant le succès de ces épisodes, le Lillois décide de voir grand. Bien plus grand.
Aujourd’hui, le Mondial, rue Racine (ex-square Henri-Ghesquière), abrite une crèche ou encore une résidence de tourisme.
L’architecte Gabriel Pagnerre, de Mons-en-Barœul, s’est fait un nom en la matière. Les Duthoit lui demandent d’implanter un beau projet. Effectivement… En 1909, square Henri-Ghesquière (90, rue Racine aujourd’hui), Pagnerre va créer la plus grande salle de cinéma de Lille. « Ce bâtiment comportait un hall d’accueil, une billetterie, une buvette et une salle à l’italienne de 1 200 places », rappelle l’association Eugénies, longtemps vigilante quant à la mémoire de ce lieu. Le Mondial éteindra définitivement son projecteur en 1972. Il sera remplacé par un soldeur, puis par un bureau de poste ou une mairie de quartier.
Joyau assoupi
L’immeuble héberge maintenant une crèche, ou encore des appartements de tourisme. Un EHPAD a également grignoté le périmètre auparavant dédié à la grande salle. Le chantier sera l’occasion de redécouvrir les vitraux implantés par Pagnerre. Ou encore ses sgraffites, procédé proche du bas-relief. Ces derniers sont désormais bien visibles, remis en valeur par la réhabilitation.
La réhabilitation du site permettra de remettre en valeur les vitraux ou les sgraffites, procédé proche du bas-relief, comme ici au-dessus des fenêtres.
Durant son enfance, Jeanne Raynal-Duthoit, petite-fille des fondateurs, prend une habitude précoce. Dès ses quatre ans, elle se faufile au premier rang de la salle à l’italienne. « Lors du passage de films mélo, on distribuait des mouchoirs publicitaires où était inscrit : Un drame, des pleurs, de l’émotion, du sentiment, évoque la Lilloise, décédée en 2007. Entre les scènes, il y avait des cartons d’explications que les spectateurs lisaient à voix haute. C’était bruyant. Au temps du muet, le bruit de la salle couvrait parfois le son du piano ou de l’orgue électrique… »
Aujourd’hui, Le Mondial domine la bouche de la station de métro Wazemmes. Aller admirer sa façade vaut largement le détour…
Ce joyau, longtemps endormi, est signé Gabriel Pagnerre, architecte attaché au style Art Déco et originaire de Mons-en-Barœul.
Note : Le Cinéma Le Mondial a été construit dans la période de l'Art nouveau.
Source : Association Eugénies : Livret consacré à Gabriel Eugène Pagnerre et au cinéma Le Mondial.
À lire : « Les cinémas du Nord et du Pas-de-Calais, de 1896 à nos jours », par Daniel Granval et Olivier Joos.
Un article de Lakhdar Belaid paru dans la version numérique de la Voix du Nord le jeudi 7 août 2025 et en version imprimée le samedi 9 août 2025 (édition de Lille).