En janvier 1919, au retour de la première guerre mondiale, Gabriel Pagnerre revient au Vert Cottage à Mons-en-Barœul, après 5 longues années d'absence, dans cette belle construction, qu'il avait du quitter en août 1914.
Bâtie en 1912, il ne l'avait habitée qu'à peine deux années avant d'être mobilisé. Dès 1920, il prend la décision de déménager à Lille.
Ce choix peut surprendre quand on connaît l'attachement à cette belle villa. Un joyau qui a été son deuxième cabinet d'architecture, où il avait démontré l'exercice de son art.
Comment expliquer ce choix ?
Les nouvelles conditions d'exercice de son métier, lui ont fait rapidement comprendre l'intérêt de déménager à Lille intra muros. Il se trouve confronté à la concurrence des autres architectes qui sont restés en fonction pendant le conflit. Il en concevra d'ailleurs une amertume par rapport à ce qu'il considérera comme des " planqués ", lui qui aurait pu ne pas être mobilisé compte tenu de son âge et de sa situation familiale au moment du déclenchement de la guerre.
Une grande partie de la clientèle est à reconquérir, d'autant que ses sympathies pour le bolchevisme ont détourné la bourgeoisie. Le contexte économique ne fait qu'amplifier cette réalité, avec une demande qui s'est raréfiée, il est probable qu'il rencontre des problèmes financiers. Il parviendra toutefois à percevoir des honoraires en s'occupant de l'estimation des dommages de guerre, comme architecte agréé de la ville de Mons-en-Barœul.
Mais le point crucial est certainement le décès de sa maman, survenu en février 1919, alors qu'il rentre de longues années de guerre. L'habitation qu'il a fait construire pour elle au fond du terrain lui rappelle trop de mauvais souvenirs.
Cette photo du Vert Cottage a été prise par Gabriel Pagnerre lui-même, comme l'atteste la mention au dos, depuis l'autre côté de l'avenue du Quesnelet (ancienne route du petit Lannoy). Elle est datée d'avril 1923 alors que Pagnerre va céder le Vert Cottage pour aller habiter 4 bis place de la République à Lille.
Lors de la vente du Vert Cottage, le 6 novembre 1923, une partie du terrain d'une superficie de 142,38 m2 a été vendue à Maître Bouchart (notaire).
Sur cet entête de lettre, datée du 6 avril 1922, où les prénoms sont inversés, figure une adresse intermédiaire située au n° 35 Boulevard de la Liberté à Lille (Tél 18.05) entre le Vert Cottage (Mons-en-Barœul, Trocadéro, Tél 4) et le 4 bis Place de la République à Lille.
En 1924, sur les documents de l'architecte, ne figure plus qu'une seule adresse au 4 bis Place de la République à Lille.
La Place de la République est un des fleurons de l'architecture éclectique de la fin du XIXème siècle à Lille, délimitée d'un côté par la Préfecture et de l'autre par l'architecture palatiale du musée des Beaux-Arts. Baptisée place Napoléon III à cette époque, on demanda à Albert Baert et Charles Boidin de construire un grand immeuble de rapport en 1899 dans un style particulièrement somptueux. On remarquera notamment les cariatides qui supportent les balcons et les mosaïques à la fleur de lys, symbole de la ville de Lille.
C’est à cet endroit que Gabriel Pagnerre établira son troisième cabinet d’architecture à partir de 1922, en déménageant du Vert Cottage à Mons-en-Barœul C'est dans cette maison qu'est né en 1925, Alain Decaux, homme de radio, ancien ministre et académicien.
Face à ce bâtiment, l'hôtel de la poste construit selon les plans de Louis Gilquin en 1873, avec là aussi des cariatides situées sous la coupole, qui semblent répondre à celles de l'autre immeuble. Elles sont dues à Jules Victor Heyde.